Babylone historique (..3..suite)

La fin de la Babylone antique

Les Parthes arsacides prennent le pouvoir en Babylonie entre 141 av. J.-C. et 122 av. J.-C.. Babylone poursuit son déclin, mais reste le conservatoire de la civilisation mésopotamienne antique, et c’est de l’Esagil que provient le dernier document écrit en cunéiforme, une tablette astrologique de 67 ap. J.-C. Pline l'Ancien écrit vers la même époque que le temple continue à être actif, bien que la cité soit en ruines. Il semble que la population urbaine abandonne définitivement le site au deuxième siècle de l'ère chrétienne. À l'emplacement de la ville s'installent des agriculteurs qui utilisent les briques de la ziggourat pour enrichir leurs terres et plantent des palmeraies au cœur de l'ancien quartier commercial. Désormais Babylone est reléguée au rang de mythe, ce qui va assurer sa survie dans les mémoires avant sa mise au jour par les archéologues de l’époque contemporaine, privilège partagé par peu d’autres cités de la Mésopotamie antique.

 

La Babylone de Nabuchodonosor II

Comme il a été dit plus haut, les niveaux anciens de Babylone n'ont pu être fouillés, à l'exception de quelques résidences paléo-babyloniennes. L'essentiel des niveaux dégagés remontent à la période néo-babylonienne (624 av. J.-C.-539 av. J.-C.) et au début de la période achéménide (539 av. J.-C.-331 av. J.-C.). Cet état de la cité est néanmoins pour une grande partie un héritage des périodes précédentes, comme l'indique le texte topographique TINTIR. De grands aménagements sont cependant effectués par Nabopolassar et surtout Nabuchodonosor II, qui donnent à la cité sa physionomie finale.

 

Les remparts
Les murs de Babylone après leur reconstruction récente.

L'enceinte extérieure englobe la cité sur la rive est de l'Euphrate. Ses contours sont de forme triangulaire. Elle englobe la partie est de la ville intérieure. Elle consiste en une succession de trois murs, celui du milieu étant le plus solide, séparés par un fossé. Devant eux, un fossé de 50 mètres de long rempli d'eau avait été creusé. Sur les fortifications, 120 tours défensives étaient réparties tous les 50 mètres. Le mur ne semble pas avoir englobé toute la partie de la ville située à l'est de l'Euphrate, et était coupé par endroits.

La muraille intérieure était composée de deux murs délimitant un espace rectangulaire d'environ 3 kilomètres sur 2. Le premier mur était nommé Imgur-Enlil (« Enlil a montré sa faveur »), et le second Nimit-Enlil (« Rempart d'Enlil »). Devant eux, trois autres murs moins imposants suivaient le tracé d'un fossé large de 50 mètres, rempli d'eau. Ces murailles étaient elles aussi défendues par des tours de garde, et même par deux forteresses, une près du Palais sud, l'autre au nord de la muraille, près du Palais nord.

La Porte d'Ishtar, Pergamon Museum de Berlin.

Les murailles de Babylone étaient percées par huit portes monumentales, connues par TINTIR, qui donne leur nom, qui est sauf dans un cas celui d’une divinité (qui a une fonction protectrice), ainsi qu’un « nom sacré » mettant l’emphase sur leur rôle défensif :

  • Porte d’Urash, « L’ennemi lui est répugnant » ;
  • Porte de Zababa, « Elle déteste ses attaquants » ;
  • Porte de Marduk, « Son Seigneur est berger » ;
  • Porte d’Ishtar, « Ishtar vainc son assaillant » ;
  • Porte d’Enlil, « Enlil la fait briller » ;
  • Porte du Roi, « Que son fondateur prospère ! » ;
  • Porte d’Adad, « Ô Adad, protège la vie des troupes ! » ;
  • Porte de Shamash, « Ô Shamash, soutiens les troupes ! ».

La plus célèbre est la Porte d'Ishtar, dont les panneaux de décorations en briques glacées bleues ou vertes représentaient des lions, des taureaux ou des dragons. Elle bordait les palais royaux, et ouvrait sur la principale voie processionnelle de la cité (chaque porte ouvrant sur une des ces avenues).

 

Plan et urbanisme de la ville intérieure
Plan de la ville intérieure de Babylone au viesiècle

Le coeur de Babylone est la ville intérieure, entourée par la muraille intérieure, sur près de 500 hectares. On y trouvait tous les monuments qui ont fait la grandeur de la ville, et qui ont émerveillé tant de voyageurs.

La ville interne est divisée en dix quartiers. Les plus importants sont Eridu, Shuanna et KA.DINGIRRA, situés côte à côte le long de la rive est de l'Euphrate. Eridu tient son nom de la ville sumérienne d'Eridu, grand centre religieux, cité d'Enki/Ea, père de Marduk. C'est le quartier sacré de la ville, où se trouve l'Esagil, le temple du dieu national Marduk, ainsi que la ziggurat Etemenanki, la « Tour de Babel », et d'autres temples. Au nord d'Eridu, le quartierKA.DINGIRRA, où se trouvent quelques temples, mais surtout les deux palais de Nabuchodonosor II, le Palais Sud et la Palais Nord, ainsi que l'espace dénommé de nos jours Merkès, un quartier résidentiel. Shuanna était un autre quartier d'habitat, où résidait notamment la famille d'hommes d'affaires Egibi.

À la vieille ville, proche du fleuve et constituée de rues sinueuses et étroites, s'ajoutent, au nord-est de la cité en face de KA.DINGIRRA et d'Eridu, des quartiers caractérisés par de grandes avenues se coupant à angles droit, dans une sorte de plan en damier. Les contrats de vente des maisons situées sur ces axes de circulation appellent ces derniers « voie de passage du roi et des dieux » (mutaq šarri u ilāni). Il s'agit de grandes voies processionnelles. La plus célèbre est surnommée « Puisse l'ennemi arrogant ne pas réussir » (Ay-ibur-šabu) et part de la Porte d'Ishtarjusqu’à l'enceinte extérieure de l'Esagil. Les dalles qui pavent le sol de cette rue sont au nom de Nabuchodonosor. Au sud-est, on trouve les quartiers de Kullab (reprenant le nom d'un grand quartier d'Uruk) et de TE.EKI.

Le long de la rive gauche un quai de brique et une muraille protège les deux palais du roi ainsi que le quartier des temples et le quartier commercial. De plus, un pont en dur (bois et briques cuites), un des seuls du Moyen-Orient, permet de relier à proximité de l'Esagil et de l'Etemenanki les deux rives. Afin d'éviter les inondations et de protéger la ville, Nabuchodonosor fait construire un énorme écueil en brique afin de briser la force du courant et de contraindre le fleuve à faire un coude.

Les fouilles dans le quartier de Shuanna montrent que certaines maisons atteignent parfois 400 m². Cependant la densité du bâti est variable et plus l'on s'éloigne du fleuve plus le tissu urbain est discontinu, avec de véritables zones de culture en son sein. Il est donc particulièrement difficile de connaître le nombre précis des habitants de la métropole babylonienne car outre les fortes inégalités entre quartiers il faut prendre en compte le personnel des palais et des temples, difficile à évaluer, ainsi que la présence de nombreux déportés conséquence des guerres des souverains babyloniens. De plus, la présence de commerçants étrangers est avérée sans qu'il soit possible d'en faire une estimation chiffrée.

En empruntant le pont que Nabuchodonosor fit construire sur l'Euphrate, on accédait à la partie ouest de la ville interne, aux quartiers de Bab-Lugalgirra, du Kumar, de Tuba, un dernier au nom illisible puisque le texte TINTIR, donnant le nom des quartiers de la ville est fêlé à cet endroit. On sait peu de choses sur les quartiers autres que les trois premiers, puisqu'ils n'ont pas été fouillés en raison de leur faible attrait archéologique.

 

Le quartier sacré

TINTIR donne les noms de 43 temples situés à l’intérieur de Babylone, dont 13 pour le seul « quartier sacré », Eridu. Ceux qui ont été fouillés et identifiés, hors du complexe de Marduk, se sont révélés être les temples de :

  • Ninmah, l’É.MAH (« Maison exaltée ») ;
  • Nabû ša hare, l’É.NIG.GIDAR.KALAM.MA.SUM.MA (« Maison qui octroie le sceptre de la Terre ») ;
  • Ashratum, l’É.HI.LI.KALAM.MA (« Maison de l’abondance de la Terre ») ;
  • la Dame d’Akkad (une hypostase d’Ishtar), É.MAŠ.DA.RI (« Maison des offrandes animales ») ;
  • Ishkhara, É.ŠÀ.SUR.RA (« Maison de l’Utérus ») ;
  • Ninurta, É.HUR.SAG.TIL.LA (« Maison qui extermine les montagnes »).

Ils sont tous construits selon un même plan, autour d’une cour centrale ouvrant sur la chapelle abritant la statue de la divinité.

L’ensemble cultuel principal de Babylone est celui dédié au dieu de la cité, Marduk, l’É.SAG.ÍL (quelque chose comme « Maison à la tête haute »). D'après la tradition babylonienne, c'est le centre du Monde. Ses dimensions sont d’environ 180 m sur 125 m, ce qui en fait un complexe de grande taille, mais selon des données récoltées sur une tablette métrologique il comporterait des bâtiments en plus de ceux repérés par les archéologues. L’aile principale du bâtiment mesurait environ 85 x 79 m, et était organisée autour d’une cour centrale ouvrant sur des salles intérieures. Les cellae de Marduk, ainsi que celle de sa parèdre Zarpanitum et de leur fils Nabû se trouvaient dans les salles situées à l’ouest. On y accédait par quatre grandes portes. Une autre cour bordait son côté est, qui servait sans doute de lieu à la grande assemblée des dieux, et une autre cour se trouvait au sud de l’édifice. Le temple, organisé autour de ces trois cours, devait avoir une forme en « L ».

Au nord de l’Esagil se trouvait la ziggurat É.TEMEN.AN.KI, « Maison-fondement du Ciel et de la Terre », passée à la postérité sous le nom de Tour de Babel. Elle était dans une enceinte de plus de 400 m de côté. Sa base était carrée, d’environ 91 m de côté, et un escalier monumental menait à son sommet depuis le côté sud, dont on a retrouvé les traces de l’avancée sur 52 m. La ziggurat était décrite dans un texte métrologique, la Tablette de l’Esagil, dont on a retrouvé une copie du iiie siècle, mais dont l’original datait sans doute de la période néo-babylonienne. On a pu estimer que la ziggurat s’élevait sur 90 m de haut, et comprenait sept étages. Le temple haut abritait les dieux de Babylone (Marduk, sa parèdre et leur fils), ainsi que la grande « triade » mésopotamienne, Anu, Enlil et Ea. Diverses tentatives de reconstitution de son apparence ont été faites.

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