L'Abbé Pierre (début)


Henri Grouès, dit l’Abbé Pierre, né le 5 août 1912 à Lyon et mort le 22 janvier 2007 à Paris, est un prêtre catholique français, résistant puis député, fondateur du Mouvement Emmaüs (organisation caritative laïquedestinée à aider les pauvres, exclus et réfugiés) et de la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés. Des sondages l'ont désigné dix-sept fois « personnalité préférée des Français » de 1989 à 2003.

Biographie

Henri Grouès est né le 5 août 1912 à Lyon (IVe) dans une famille bourgeoise aisée et pieuse de négociant en soie lyonnais, originaire, du côté paternel, du hameau de Fouillouse en Saint-Paul-sur-Ubaye, village le plus haut des Alpes-de-Haute-Provence situé au fond de la vallée de l'Ubaye, et de Tarare dans le Rhône du côté maternel. Il est le cinquième de huit enfants. Il a été baptisé à l'église Saint-Eucher, dans le 4e arrondissement de Lyon. Il passe son enfance à Irigny, une commune au Sud-Ouest de Lyon. À 12 ans, il accompagne son père à la confrérie séculaire des Hospitaliers veilleurs, où les bourgeois se font coiffeurs barbiers pour les pauvres.

Élève à l'externat Saint-Joseph (actuel Lycée Saint-Marc), il fit partie des scouts de France, dans lesquels il fut totémisé « Castor méditatif ». En 1928 à 16 ans, après un « coup de foudre avec Dieu » selon ses propres mots, il veut entrer dans les ordres franciscains, cependant il devra attendre d'avoir 17 ans et demi. À ce sujet il déclara « On me disait beau gosse, peut-être même un peu mondain, pourtant, le lendemain je serai moine. »

Entrée dans les ordres
En 1931, il fait profession chez les capucins où il prononce ses vœux. Il renonce cette année-là à sa part du patrimoine familial, et donne tout ce qu’il possède à des œuvres caritatives. En religion, Henri Grouès devient frère Philippe. En 1932, il entre au cloître, au couvent de Crest où il passe sept années d'austérité religieuse.

Le samedi 18 décembre 1937, il est ordonné diacre par Mgr Pic, évêque de Valence (Drôme) dans la chapelle du Grand Séminaire, 75 rue Montplaisir, qui abrite aujourd'hui le Lycée Privé Catholique Montplaisir.

Il est ordonné prêtre le 24 août 1938 en la chapelle du lycée Saint-Marc. En avril 1939, il devient vicaire à la Basilique Saint-Joseph de Grenoble.

Seconde Guerre mondiale

Il est mobilisé comme sous-officier dans le régiment du train des équipages, en décembre 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale.

Selon sa biographie officielle issue des archives officielles du Ministère de la Défense Nationale, « vicaire à la cathédrale Notre-Dame de Grenoble, il recueille des enfants juifs dont les familles ont été arrêtées lors des rafles des Juifs étrangers en zone Sud, en août 1942 ».

La même année, il fait passer en Suisse le plus jeune frère du général de Gaulle, Jacques, ainsi que son épouse. Il participe à la création de maquis dont il est un des leaders dans le massif du Vercors et le massif de la Chartreuse. C'est à cette époque qu'il rencontre Lucie Coutaz, qui le cache sous un faux nom, et restera sa secrétaire particulière jusqu'à sa mort en 1983. Elle est considérée comme la co-fondatrice du Mouvement Emmaüs.

Il aide les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO). Il prend le nom d’Abbé Pierre dans la clandestinité. En 1944, il est arrêté par l’armée allemande àCambo-les-Bains, dans les Pyrénées-Atlantiques, mais est relâché et passe en Espagne puis rejoint via Gibraltar le général de Gaulle à Alger en Algérie française. Il devient aumônier de la Marine sur le Jean Bart à Casablanca (Maroc) et devient une figure importante de la Résistance.

Ses actions dans la résistance lui valent la Croix de guerre avec palme à la Libération. De son expérience passée et des drames dont il a été témoin, il doit, comme bien d’autres résistants de tout bord qui l’ont côtoyé, son engagement politique pour restaurer une société digne fondée sur les droits humains fondamentaux, mais aussi sa profonde détermination à agir pour des causes qu’il croit justes, y compris parfois dans l’illégalité, et à mobiliser autour de lui pour faire changer les lois établies et les regards indifférents.

Carrière politique
Après la guerre, sur les conseils de l’entourage de De Gaulle, et l’approbation de l’archevêque de Paris, il est éludéputé de Meurthe-et-Moselle aux deux assemblées nationales constituantes (1945-1946), comme indépendant apparenté au Mouvement républicain populaire (MRP) de résistants démocrates-chrétiens, puis à l’Assemblée nationalede 1946 à 1951, où il siège d’abord sein du groupe MRP.

En 1947, il est vice-président de la Confédération mondiale, mouvement fédéraliste universel (mondialisation démocratique). Avec Albert Camus et André Gide, il fonde le comité de soutien à Garry Davis, citoyen du monde, qui s’oppose à la remontée rapide des égoïsmes nationaux et déchire son passeport devant l’ambassade américaine.

Il se désolidarise du parti politique après « l’incident sanglant » de Brest d’avril 1950, ayant provoqué la mort de l’ouvrier Édouard Mazé. Dans sa lettre de démission du 28 avril 1950, Pourquoi je quitte le MRP, il dénonce les positions politiques et sociales du Mouvement. Il rejoint ensuite la Ligue de la jeune République, mouvement chrétiensocialiste. Mais, il ne se représentera plus à l’Assemblée à la fin de son mandat : sa courte carrière politique se termine en 1951 et l’Abbé Pierre retourne à sa vocation première de prêtre-aumônier et s’investit, avec sa petite rente d’ex-député, dans ses actions caritatives.

Fondation d’Emmaüs
Il fonde en 1949 le Mouvement Emmaüs (en référence à Emmaüs, village de Palestine apparaissant dans un épisode du dernier chapitre de l'Évangile selon Luc) d’aide aux déshérités, particulièrement aux sans-abris. Il commence ainsi dès 1950 par fonder la communauté d’Emmaüs Neuilly-Plaisance.

Les communautés Emmaüs se financent par la vente de matériels et d’objets de récupération et construisent des logements. C’est une organisation laïque.

En 1952, il participe au jeu « Quitte ou double » sur Radio Monte Carlo pour alimenter financièrement son combat, où il gagnera 256 000 francs de l'époque.

En décembre 2003, sur la proposition de M. Jean-Paul Carteron Président du Forum de Crans Montana, il reçoit le prix de la Fondation des mains de S.A.S. le Prince Héréditaire Albert de Monaco. Il s'agira du seul prix « profane » accepté par l'Abbé Pierre dans toute vie. Ainsi qu'il le déclara en recevant la modeste œuvre d'art symbolisant ce prix, « je la mettrai sur la table où tous les jours je dis ma messe ».

Hiver 1954
L’abbé Pierre acquiert sa notoriété à partir du très froid hiver de 1954, meurtrier pour les sans-abri pour une « insurrection de la bonté ». « Il y a cinquante ans, tous sortaient à peine des atrocités de la guerre. Tous avaient dû fuir, chacun se sentait proche des réfugiés. Les gens se rappelaient la souffrance et la peur. Ils étaient davantage prêts à réagir. Mais on ne renouvelle pas des faits historiques comme celui-là. »

Il lance le 1er février 1954 un appel mémorable sur les antennes de Radio-Luxembourg (future RTL), qui deviendra célèbre sous le nom d'Appel de l'Abbé Pierre.

Le lendemain, la presse titra sur « l’insurrection de la bonté ». L’appel rapportera 500 millions de francs en dons (dont 2 millions par Charlie Chaplin), une somme énorme pour l’époque et complètement inattendue, des appels et courriers qui submergèrent complètement le standard téléphonique de la radio, et des dons en nature d’un volume si immense qu’il fallut des semaines pour simplement les trier, les répartir et trouver des dépôts pour les stocker convenablement un peu partout en France.

L’appel de 1954 attira des bénévoles volontaires de toute la France pour aider d’abord à la redistribution, mais aussi fonder les premiers groupes se réclamant de cet appel. Rapidement, il dut organiser cet élan inespéré de générosité, et le 23 mars il fonde les Compagnons d’Emmaüs, communauté de chiffonniers qui construisent des logements pour les sans-abri, et les accueillent en leur procurant non seulement toit et couvert en situation d’urgence mais aussi un travail digne. Nombre de compagnons d’Emmaüs seront ainsi d’anciens sans-abri, de tous âges, genres et origines sociales, sauvés de la déchéance sociale ou parfois d’une mort certaine et rétablis dans leurs droits fondamentaux, par les communautés issues de cet élan de générosité à qui ils retournent leurs remerciements par leur propre engagement caritatif.

Le combat de l’Abbé Pierre a aussi permis l’adoption d’une loi interdisant l’expulsion de locataires pendant la période hivernale.

Réforme de la doctrine de l’Église
En 2005, dans son livre Mon Dieu… pourquoi ?, rédigé avec Frédéric Lenoir, il déclare qu’il a été attiré par des jeunes filles, étant lui-même jeune homme et avant d’entrer dans les ordres. À ce sujet, il invite les dirigeants d'Église à réfléchir sur une éventuelle réforme de la discipline de l’Église en faveur de l’ordination des hommes mariés. Et ne comprend pas l’opposition des papes Jean-Paul II et Benoît XVI, l’ordination des hommes mariés étant autorisée par l’Église dans certains rites orientaux. En outre, il voit dans cette autorisation un moyen de lutter contre la pénurie de nouveaux ministres du culte de l’Église. Il incite également à réfléchir à l’ordination des femmes.

Dans cet ouvrage, il ne s’oppose pas à l’homoparentalité, à condition que les enfants ne subissent aucun préjudice psychologique ou social et explique notamment son opinion sur le fait « qu’un modèle parental classique n’est pas nécessairement gage de bonheur et d’équilibre pour l’enfant ». Mais il se déclare contre le mariage et préfère y substituer une « alliance » homosexuelle. Car selon lui, le mariage homosexuel « créerait un traumatisme et une déstabilisation sociale forte. »

Image publique
L’image du grand barbu en soutane, en grosse pèlerine et godillots que lui a un jour offert un sapeur-pompier, forge vite son statut de « héros légendaire », de « juste » (d'après son testament évoqué par les membres du Mouvement Emmaüs, cette pèlerine emblématique reviendra au Musée des pompiers de Paris).

Après l’appel de 1954 et la sortie du film Les Chiffonniers d’Emmaüs consacré à l’abbé Pierre, Roland Barthes a analysé, en 1957, son visage « qui présente clairement tous les signes de l’apostolat : le regard bon, la coupe franciscaine, la barbe missionnaire, tout cela complété par la canadienne du prêtre-ouvrier et la canne du pèlerin. Ainsi sont réunis les chiffres de la légende et ceux de la modernité. » Sa coupe, « équilibre neutre entre le cheveu court […] et le cheveu négligé », approche selon le sémiologue l’intemporalité de la sainteté, et l’identifie à saint François d’Assise. La barbe, celle du capucin et du missionnaire, symbolise quant à elle la pauvreté et la vocation apostolique comme pour le père de Foucauld. Son visage évoque donc à la fois la spiritualité de l’homme, le combat de son sacerdoce, et sa liberté vis-à-vis de sa hiérarchie. Pour Pierre Bourdieu, l’abbé est même un prophète, « surgi[ssant] en temps de disette, de crise », « pren[ant] la parole avec véhémence et indignation ».

Mais, Barthes se demande aussi si « la belle et touchante iconographie de l’abbé Pierre n’est pas l’alibi dont une bonne partie de la nation s’autorise, une fois de plus, pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice. » Cette grande popularité en France ne s’est jamais démentie, les enquêtes d’opinion de la presse le plaçant pendant une dizaine d’années (un record inégalé, après avoir succédé au commandant Jacques-Yves Cousteau, à peine éclipsé durant un an par une seconde place temporaire imputée à l’affaire Garaudy) en tête des personnalités préférées des Français, comme celles du Journal du Dimanche publiées plusieurs fois par an, jusqu’à ce qu’il demande à en être retiré en début 2004. « C’est à la fois une arme et une croix », dit-il, pour laisser la place des honneurs aux plus jeunes.

L’abbé Pierre s’est toujours appuyé sur son image grâce aux médias, depuis son appel sur Radio-Luxembourg en 1954 jusqu’à sa présence à l’Assemblée nationaleen janvier 2006, en faveur de la loi SRU sur le logement social. Selon Bernard Kouchner, fondateur de Médecins du monde, il est ainsi l’inventeur de la loi du tapage médiatique.

Ces dernières années encore, malgré la maladie et l’âge, il est descendu dans la rue pour soutenir la cause des pauvres. Il a soutenu l’association Droit au logement (DAL). Un dernier combat qui fait encore l’actualité politique en pleine campagne présidentielle 2007, où les candidats se pressent pour défendre une future loi sur le logement opposable poussée par l’action médiatique d’associations de sans-logis, un texte qu’ils veulent maintenant nommer « loi Abbé Pierre, » comme avant lui son ami Coluche à qui on a attribué la loi sur les dons aux œuvres caritatives, une autre icône populaire et médiatique et pourtant si humaine de la fin duxxe siècle restée dans le cœur des Français et que l’Abbé Pierre avait soutenu avant de devoir, lui le vieil homme, lui le saint homme, lui succéder dans son combat inachevé pour les « exclus du partage. »

Enfin, la marionnette de l'abbé Pierre dans l'émission télévisée satirique Les Guignols de l'Info contribue également au façonnement de son image publique et médiatique. À l'instar d'un Johnny Hallyday, il fait ou faisait aussi les choux gras de nombreux imitateurs de la scène francophone tels Laurent Gerra ou Bernard Castaing.

Affaire Roger Garaudy
En avril 1996, lorsque son ami Roger Garaudy est en procès pour négationnisme suite à la publication de son livre Les mythes fondateurs de la politique israélienne, il lui apporte son soutien, ce qui lui vaudra d’être exclu du comité d’honneur de la LICRA. Dans une lettre de soutien à l'auteur rendue publique le 18 avril 1996, il écrit tout le respect que lui inspire « l'énorme travail » réalisé par Roger Garaudy pour l'écriture du livre, et son « éclatante érudition, rigoureuse ». Il ajoute qu'accuser Roger Garaudy de « révisionnisme » est une « imposture », une « véritable calomnie».

Il expliquera néanmoins par la suite avoir agi « à titre amical» et se démarquera des tentatives pour « nier, banaliser ou falsifier la Shoah » dont il avait été lui-même témoin. Mais, selon les termes du quotidien L'Humanité« ce revirement tardif ne dissipe cependant pas le malaise. ». L’historien Pierre Vidal-Naquetdéclara pour sa part : « Je crains que la prise de position de l’abbé Pierre ouvre les vannes d’une poussée antisémite. »

Certains ont critiqué les propos de l’Abbé Pierre sur l’idée de la terre promise dans l’Ancien Testament. En effet, il dénonçait la prise très violente de cette terre par les israélites, telle qu’elle est décrite dans la Bible : « Que reste-t-il d’une promesse lorsque ce qui a été promis, on vient de le prendre en tuant par de véritables génocides des peuples qui y habitaient, paisiblement, avant qu’ils y entrent » dira-t-il à Bernard Kouchner et il n’hésitera pas à en déduire une véritable vocation à l’exil de ce peuple « Je crois que - c’est çà que j’ai au fond de mon cœur - que votre mission a été - ce qui, en fait, s’est accompli partiellement - la diaspora, la dispersion à travers le monde entier pour aller porter la connaissance que vous étiez jusqu’alors les seuls à porter, en dépit de toutes les idolâtries qui vous entouraient. »

Certains ont vu dans ces déclarations une reprise tout juste voilée de l'ancienne thématique chrétienne de l'auto-malédiction d'un peuple juif "avatar de Caïn", (thématique désavouée par l'église à l'occasion de la déclaration "Nostre Aetate" issue de Vatican II) et, finalement, "une lecture de la Bible très conforme à l'antijudaïsme d'une partie du catholicisme avant Vatican II".

L'abbé Pierre considère que le débat sur la Shoah reste ouvert : « ils [la LICRA] n’acceptent absolument pas le dialogue, contrairement à Garaudy. Ils considèrent que le débat (sur le génocide des juifs) est clos. Qu’oser le rouvrir n’est pas possible. Par exemple sur la question des chambres à gaz, il est vraisemblable que la totalité de celles projetées par les nazis n’ont pas été construites ». propos auquel l’Abbé Pierre ajoute toutefois : « Mais mes amis de la LICRA me disent qu’avancer de telles affirmations, c’est contester la Shoah. Ce n’est pas sérieux. » (Roger Garaudy sera finalement condamné pour contestation de crimes contre l’humanité et incitation à la haine raciale.)

Cette controverse ne doit toutefois pas masquer les faits qui plaident pour l'abbé Pierre, notamment son combat pendant la Seconde Guerre mondiale pour sauver des Juifs. Son engagement profond contre l'antisémitisme est en particulier attesté par le fait qu'il ait lui-même toujours souligné que ses actions contre les persécutions anti-juives avaient précédé et motivé son entrée dans la Résistance. Ses positions politiques sont sans ambiguïtés quand il dénonce le fait que ces rafles anti-juives ont été conduites par la police française en un temps (été 1942) et un lieu (Grenoble, en zone non occupée) qui ne permettent pas d'invoquer le prétexte de la contrainte allemande.

La polémique, qui meurtrira durablement l’abbé Pierre, lui valut le désaveu de certains de ses amis. Bernard Kouchner lui reprocha « d'absoudre l’intolérable»; l'Abbé est publiquement fustigé par le Cardinal Jean-Marie Lustiger, L'Abbé Pierre est alors sommé par sa hiérarchie de prendre une retraite médiatique temporaire et part quelque temps en séminaire en Italie; il y a déclaré au Corriere della Sera que la presse française était " inspirée par un lobby sionisteinternational ". L'affaire ne reçut cependant que peu d’écho auprès de l'opinion française qui lui renouvela sa confiance pendant de nombreuses années le classant en tête des personnalités françaises les plus aimées (jusqu’à ce que l’abbé retirât lui-même son nom du classement).

L'Abbé Pierre et les Brigades rouges 
L'Abbé Pierre a "spontanément témoigné" dans les années 1980 en faveur du groupe de réfugiés italiens à Paris, dirigé par Vanni Mulinaris. Il a également effectué une grève de la faim pour protester contre l'arrestation de Vanni Mulinaris (le mari de sa nièce) à Udine, emprisonné sur la charge de l'aide aux BR. Il est allé parler en sa faveur en 1983 au président italien Sandro Pertini.

Rencontres et actions internationales 
L’abbé Pierre a rencontré au cours de sa vie les papes Pie xi, Pie xii, Jean xxiii et à plusieurs reprises Jean-Paul ii ; trop fatigué pour voyager il n’a pas pu rencontrer directement le nouveau pape Benoît xvi, mais il a noué des contacts épistolaires.

Bien qu’ayant souvent critiqué les positions de l’Église et tenu des propos parfois interprétés comme anticléricaux, l’Abbé Pierre ne s’est jamais placé contre l’Église et tenait plus que tous à sa mission pastorale mais non prosélyte ; il respectait sa hiérarchie, à laquelle il reprochait seulement mais ouvertement d’user de trop de faste, et il a conservé sa liberté de ton et d’action ainsi que sa franchise même sur les sujets réputés dérangeants.

Refusant toute montée en responsabilité au sein de l’Église pour pouvoir se consacrer à ses missions au plus près du peuple, il a su cependant rencontrer les plus grands, et il a rencontré des membres éminents de la communauté scientifique, politique ou religieuse internationale notamment :

  • 1944 : le général de Gaulle à Alger en Algérie française, après son arrestation par l’armée allemande et son évasion via l’Espagne.
  • 1945 : le père Teilhard de Chardin et le philosophe Nicolas Berdiaëff, chez lui, deux hommes que l’abbé Pierre tentera vainement de concilier et faire se comprendre.
  • 1948 : Albert Einstein à l’Université de Princeton aux États-Unis, pour discuter avec lui des « trois explosions atomiques » et appeler avec lui de ses vœux à la fondation d’un mouvement international pour le désarmement et la paix dans le monde.
  • 1956 : le président tunisien Habib Bourguiba pour le convaincre de parvenir à l’indépendance de la Tunisie sans violence.
  • 1955 : le président américain Dwight David Eisenhower dans le bureau ovale de la Maison Blanche, à qui il remet un exemplaire de son livre « Les chiffonniers d’Emmaüs. »
  • Le Roi du Maroc, Mohammed V, où il dépêche deux missionnaires pour trouver des solutions aux bidonvilles en favorisant le logement rural.
  • 1956 : de nombreuses rencontres internationales, aux Pays-Bas, Portugal, Autriche, Inde, Suisse, Maroc. Il rencontre le Premier ministre indien Nehru, avecIndira Gandhi, et le sage indien Vinoba Vabe pour soutenir sa marche agraire non violente.
  • 1958-1959 : conférences dans les pays scandinaves et d’Amérique du Sud. Le ministre de l’Éducation nationale du Pérou fait appel à lui pour développer l’éducation des populations pauvres. Le père Camillo Tores en Colombie lui demande conseil sur la position de l’Église colombienne qui renie l’action des prêtresouvriers. Il rencontre l’évêque des indiens en Équateur pour lui demander de freiner la construction de lieux de cultes somptueux dans des quartiers déshérités.
  • 1959 : au Liban, il crée à Beyrouth la première communauté d’Emmaüs multiconfessionnelle, fondée par un musulman sunnite, un archevêque chrétien melkiteet un écrivain maronite.
  • 1962 : il est reçu dans l’ermitage du père Charles de Foucauld à Béni-Abbés en Algérie où il réside pendant plusieurs mois.
  • 1963 : on le presse lors de sa convalescence en Argentine, de fédérer les communautés Emmaüs du monde dans Emmaüs International, qui se réunira en 1969à Berne en Suisse, et en 1972 à Montréal au Québec au Canada.
  • 1971 : il est appelé en Inde par Jayaprakam Narayan pour représenter avec la Ligue des droits de l'homme la France dans la question du règlement des réfugiés.Indira Gandhi l’invite à son tour pour traiter des réfugiés bengalis. L’Abbé Pierre s’engage en fondant des communautés Emmaüs au Bangladesh.
  • 26 mai 1984 - 3 juin: grève de la faim dans la cathédrale de Turin en protestation contre les conditions de détention des membres des Brigades Rouges (BR). L'année précédente, l'abbé Pierre avait parlé avec le président Sandro Pertini en faveur de Vanni Mulinaris, qui dirigeait l'institut de langues Hyperion à Paris, et avait été arrêté et emprisonné, accusé d'être membre des BR (il sera par la suite relaxé et blanchi de cette accusation). L'abbé Pierre aurait également convaincuFrançois Mitterrand d'accorder l'asile aux réfugiés politiques italiens, en promettant de ne pas extrader ceux qui auraient rompu avec leur passé.
  • 1985 : il apporte son soutien au comique Coluche qui, comme lui avant, fait un appel le 26 septembre sur les ondes pour venir en aide aux affamés. Là encore la réponse publique à cette idée est inespérée, et Coluche avec le soutien des associations caritatives et de nombreuses personnalités, lance le mouvement desRestos du Cœur (Coluche offrira 1 million de francs à Emmaüs quelques mois avant sa mort en mars 1986). L’abbé qui apporte son soutien y voit la preuve que son combat lancé en 1954 peut être repris aussi efficacement par d’autres après lui, et il se convainc à nouveau de l’utilité des médias pour soutenir ses propres actions dans les communautés d’Emmaüs. Dès lors, il se fera plus visible et fera appel aux personnalités. La Fondation Abbé-Pierre bénéficiera de la loi Coluchevotée après sa mort, peu après ce lancement. La mort de son ami Coluche le marquera durement lorsque l’Abbé Pierre célèbrera ses obsèques, pour reprendre ensuite son combat médiatique avec le soutien de nombreuses personnalités du spectacle et anonymes.
  • 1988 : il rencontre les représentants du Fonds monétaire international pour trouver une solution à la dette extérieure des pays du Tiers Monde.
  • 1990 : il voyage aux États-Unis et au Brésil pour accompagner la sortie du film biographique Hiver 54, l'abbé Pierre de Denis Amar avec Lambert Wilson dans son rôle et Claudia Cardinale. Film qui retrace une partie de son action et la médiatisation de son combat contre la pauvreté avec les communautés d’Emmaüs.
  • 1991 : il s’adresse directement aux présidents George H.W. Bush et Saddam Hussein, lors de la première guerre du Golfe. Il exhorte le gouvernement français à prendre des initiatives pour répartir la charge des réfugiés dans le monde, par un organisme disposant de plus de moyens que le HCR actuel des Nations uniesavec le bon vouloir des nations. Il rencontre le Dalaï-Lama lors des journées inter religieuses pour la paix.
  • 1995 : à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), sous les bombardements de la ville assiégée depuis 3 ans par les forces serbes, il exhorte les nations du monde à intervenir d’urgence pour faire cesser les massacres.
  • 2000 : il a été parrain de l'EICD 3A à Lyon.
  • 2001 : le président Jacques Chirac lui remet les insignes de grand officier de la Légion d’honneur, avant de l’élever à la dignité de grand-croix, la plus haute distinction française, pour ses services rendus à la nation.
  • 2004 : il se rend en Algérie pour l’inauguration de maisons reconstruites par la Fondation Abbé-Pierre, après le tremblement de terre ayant frappé le pays l’année précédente.

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