Malcolm X (début)
Malcolm X (Malcolm Little, né le 19 mai 1925 - assassiné le 21 février 1965), surnommé "Red" à cause de ses cheveux roux lorsqu'il était jeune. Aussi connu sous le nom de El-Hajj Malik El-Shabazz, il fut un prêcheur musulman afro-américain et pendant une période le porte-parole national de Nation of Islam. Il fonda également Muslim Mosque, Inc. et l’Organisation pour l’unité afro-américaine (Organization of Afro-American Unity, OAAU).
Ayant débuté dans la vie comme trafiquant de drogue et cambrioleur, il finit par devenir un grand meneur dumouvement nationaliste noir aux États-Unis. Il est considéré par certains comme l’un des martyrs de l’Islam et un grand avocat de l’égalité. Meneur militant, Malcolm X soutenait la fierté noire (Black Pride), l’autosuffisance économique et l’identité politique de la communauté afro-américaine (Black Nationalism). Dans les derniers mois de sa vie, il s’éleva au rang de panafricain mondialement connu et d'avocat inconditionnel des droits des noirs américains.
Suite à un pèlerinage à la Mecque en 1964, il devint Sunnite. Moins d’un an plus tard, le premier jour de laNational Brotherhood Week (Semaine nationale de la
fraternité), il fut assassiné à New York. Bien que trois membres de Nation of Islam aient été condamnés pour ce crime (l’un d’eux ayant avoué), des théories impliquant la participation active
de membres du gouvernement des États-Unis circulent mais aucune d'entre elles n'a pu être confirmée.
Enfance et jeunesse
Malcolm Little est né à Omaha (Nebraska) de Earl Little et
Louise Norton Little. Il vécut une courte période au 3448, Pinkney Street dans les quartiers nord d’Omaha. Son père était un prêcheur baptiste convaincu, fervent soutien
de Marcus Garvey et charpentier. Celui-ci prônait le retour en Afrique (Libéria), refusant l’intégration à la société américaine, ce qui a très largement marqué les vues politiques de
Malcolm sur ce sujet. Earl Little était également membre de l’Association universelle d’amélioration de la condition des Noirs (Universal Negro Improvement Association, UNIA). Malcolm,
dans son Autobiography of Malcolm X as told toAlex Haley, a décrit son père comme un imposant homme noir borgne. Trois de ses oncles avaient été tués par des Blancs, dont un
lynché.
Earl Little avait trois enfants (Ella, Mary et Earl Jr.) d’un premier lit. De son mariage avec Louise Norton naquirent huit enfants, Malcolm étant le quatrième. Leur nom était, par ordre de naissance : Wilfred, Hilda, Philbert, Malcolm, Reginald, Wesley, Yvonne et Robert.
Louise Norton était née à la Grenade aux Antilles et, selon Malcolm, ressemblait plutôt à une femme blanche. Son père était un homme blanc dont Malcolm ne savait rien, si ce n’est ce qu’il décrivait comme « la honte de ma mère ». C’est de lui que Malcolm tenait son teint relativement clair. D’abord, il pensait qu’être métissé était une chance, un « symbole de statut social ». Plus tard, il dirait qu’il « haïssait chaque goutte de ce sang de violeur » en lui. Comme il était celui des enfants qui avait le teint le plus clair, il pensait que son père le favorisait, mais sa mère était d’autant plus dure avec lui, pour la même raison. L’un de ses surnoms,« Red », lui venait de la rousseur de ses cheveux. À la naissance, il avait été décrit comme ayant des « cheveux blond-cendre… teints avec de la cannelle », et, à quatre ans, des cheveux « blond-roux ». Ses cheveux foncèrent avec le temps, mais ressemblaient à ceux de sa grand-mère paternelle, « rougissant sous le soleil d’été ».
Selon son autobiographie, sa mère avait été menacée par des membres du Ku Klux Klan (KKK) alors qu’elle était enceinte de lui, en décembre 1924. Elle se rappelait que la famille avait été sommée de quitter Omaha du fait des liens de son père avec l’UNIA, qui, selon les membres du KKK, « cherchait les ennuis ».
Peu après la naissance de Malcolm, en 1926, la famille emménagea à Milwaukee (Wisconsin), puis déménagea peu après vers Lansing, Michigan. En 1931, son père était retrouvé mort, un tramway lui ayant roulé dessus. Malcolm affirma que la cause de la mort avait à l’époque été remise en question par la communauté noire. Il la refusa lui-même par la suite, arguant que sa famille avait souvent été la cible de Black Legion, un groupe de suprématistes blancs affilié au KKK, que son père avait accusé d’avoir mis le feu à leur maison en 1929. L'État du Michigan comptait 70 000 membres du KKK, soit cinq fois plus que le Mississippi.
Bien que le père de Malcolm eût deux assurances-vie, sa mère ne toucha que la plus faible des deux. Malcolm affirma que la compagnie d’assurance auprès de laquelle avait été contractée la plus importante soutenait qu’il s’agissait d’un suicide et avait donc refusé de payer. Malcolm, à l'instar de l'ensemble de la communauté noire de la ville, se demandait comment son père avait pu se taper lui-même derrière la tête puis rester allongé sur les rails afin de se faire écraser. Louise Little tomba en dépression et fut déclarée folle au regard de la loi en décembre 1938. Malcolm et ses frères et sœurs furent éparpillés dans plusieurs foyers d’accueil. En 1939, leur mère fut admise à l’hôpital psychiatrique de Kalamazoo (Michigan), et y resta jusqu’à ce que Malcolm et ses frères et sœurs l’en fassent sortir vingt-six ans plus tard.
Toujours selon son autobiographie, à la suite de la mort de son père, Malcolm vécut à Charles Street, dans le centre d’East Lansing. Cependant, le recensement de 1930 (publié en 2002) montre
qu’il vécut dans une tout autre Charles Street, dans un quartier urbain pauvre de Lansing Township, entre Lansing et East Lansing. Plus tard, alors qu’il était à l'école primaire, il vivait à
Mason, une petite ville presque entièrement blanche située à 20 km au sud.
Scolarité dans la communauté blanche
Malcolm affirma avoir été l'un des Noirs les plus intégrés à la communauté blanche.
Malcolm obtint le diplôme de son école en tête de la classe, mais quitta le système scolaire après qu’un professeur qu’il admirait lui eut dit que ses aspirations à
devenir avocat n’étaient « pas du tout réalistes pour un Nègre ». Il refusa d’être charpentier, comme son professeur le lui proposa. Il essaya de rendre ses cheveux
moins crépus et son teint plus clair et malgré la souffrance endurée ce fut un échec. Après avoir voyagé d’une maison d’accueil à l’autre, Malcolm fut envoyé une première fois dans un centre de
détention puis emménagea à Boston pour vivre avec sa demi-sœur, plus âgée, Ella Little Collins. À Boston, il accumula les petits emplois. Il fut également employé par intermittence
par la New Haven Railroad, une compagnie de chemin de fer. En 1942, Malcolm fit partie de la pègre bostonienne.
Délinquance
Malcolm quitta Boston et vécut quelque temps dans le Michigan. Il
emménagea en 1943 à New York. Il y travailla de nouveau brièvement à la New Haven Railroad. Il trouva même un travail de cireur de chaussures dans le Lindy Hop Nightclub. Dans
son autobiographie, il affirme avoir ciré les chaussures de Duke Ellington et d'autres musiciens noirs célèbres. Peu de temps après, à Harlem, où il était alors
appelé « Detroit Red », il prit part à des activités de revente de drogue, de jeu, de racket et à des cambriolage. Entre 1943 et 1946, Malcolm voyagea entre Boston
et New York à trois reprises. Il fut arrêté en 1946 à Detroit pour cambriolage et mis en prison dans le Michigan.
Lorsque Malcolm fut examiné pour l’enrôlement dans l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale, les médecins militaires durent le réformer pour le motif 4-F (« mentalement inapte au service militaire »). Il expliqua dans son autobiographie qu’il dut jouer un rôle pour être réformé, et soutenir au médecin militaire qu’il était impatient de s’organiser avec les autres soldats noirs et mettre la main sur une arme afin de « tuer quelques crackers », c'est-à-dire des Blancs. Dans son dossierFBI apparaît une lettre dans laquelle il se désigne comme communiste et dans lequel il explique certaines raisons de son vœu d'être réformé : « J'ai toujours été un communiste. J'ai essayé de m'enrôler dans l'Armée japonaise, pendant la dernière guerre, maintenant ils ne m'enrôleront ni ne m'accepteront jamais dans l'Armée américaine. Tout le monde a toujours dit... Malcolm est fou donc il n'est pas difficile de convaincre les gens que je le suis.» Or l'armée japonaise n'a jamais été communiste.
Au début de 1946, il retourna à Boston. Il fut arrêté le 12 janvier pour avoir essayé de voler à nouveau une montre de près de mille dollars qu’il avait laissée
dans une bijouterie pour la faire réparer. Deux jours plus tard, il fut également poursuivi en justice pour port d’arme. Le 16 janvier, il dut faire face aux charges de vol
caractérisé et d’entrée par effraction. Il fut condamné à huit à dix ans de prison dans la prison d’État du Massachusetts à Charleston, dans laquelle il arriva le27 février. Ses relations
sexuelles avec des femmes blanches (il y en avait deux dans sa bande, dont sa maîtresse) faillirent lui valoir en plus une condamnation pour viol, mais elles refusèrent de l'accuser malgré les
incitations de l'instance judiciaire.
L'éducation en prison
En prison, Malcolm gagna le surnom de « Satan », du fait de sa haine inextinguible pour
la Bible, Dieu et la religion en général. Il commença à lire les livres de la bibliothèque de la prison. Il développa bientôt un appétit féroce pour la lecture, puis
un astigmatisme.
Dans plusieurs lettres de prison, mais aussi par la suite, Malcolm insistera sur l'importance de son éducation d'autodidacte. Ainsi, dans une lettre du 15 février 1950, il écrit à un certain Raymond : « Mon confinement est d'une autre nature ; je finis ma quatrième année d'une peine de prison de 8 à 10 ans... mais ces quatre ans de réclusion se sont révélées être les plus enrichissants de mes 24 ans sur cette terre et je ressens que ce "cadeau du Temps" était un cadeau qu'Allah me fit, sa manière de me sauver de la destruction certaine vers laquelle j'avançais.»
On lui attribue également la phrase : « Sans éducation, on ne va nulle part dans ce monde » ou encore « L'éducation est le passeport pour le futur, car demain appartient à ceux qui s'y préparent aujourd'hui ».
Pendant cette période, il correspondit avec son frère Reginald et échangea avec lui des idées à propos de Nation of Islam, mouvement auquel Malcolm se convertit par la suite. Ce
sont ses frères, déjà membres, qui lui firent connaître l'organisation. La Nation de l'Islam était à l'époque une petite organisation de quelques centaines de membres, basés
à Chicago. L'organisation avait une idéologie marquée par trois thématiques principales : une forme très hétérodoxe d'islam, un vigoureux nationalisme noir (revendication
d'un État pour les noirs dans le sud des États-Unis) et un total rejet des Blancs (du racisme), considérés comme l'incarnation du démon sur la terre (« Nous avons vu la race blanche
(démons) dans le ciel, parmi les justes, causant des troubles [...], jusqu’à ce qu’ils aient été découverts. [...] Ils ont été punis en étant privé des conseils divins [...] presque ravalés au
rang des bêtes sauvages. [...] sautant d’arbre en arbre. Les singes en procèdent. [...] Avant eux, il n’y avait rien comme les singes et les cochons »).
La fin de son incarcération, après la conversion à l'Islam
Pendant le reste de son
incarcération, Malcolm correspondit régulièrement avec Elijah Poole, dit Muhammad, le meneur de la Nation. Toujours selon son autobiographie, Malcolm commença à être renommé
parmi les prisonniers, alors qu’il restait sous la surveillance attentive des autorités qui reconnaissaient en lui une source potentielle de troubles. On ne lui accorda pas la possibilité
d’être libéré au bout de cinq ans pour bonne conduite car les autorités pensaient qu’il était trop dangereux de le libérer par avance.
En février 1948, largement grâce aux efforts de sa sœur, Malcolm fut transféré dans une prison expérimentale à Norfolk (Massachusetts), qui avait une bibliothèque bien plus fournie.
Malcolm réfléchit par la suite sur ce temps passé en prison : « Les mois passaient, et il ne me semblait même pas être emprisonné. En fait, jusqu’à ce moment-là, je n’avais
jamais été aussi libre de ma vie ». Le 7 août 1952, Malcolm fut libéré sur parole.
Malcolm X et Nation of Islam
Peu après sa libération, Malcolm Little
rencontra Elijah Muhammad à Chicago, ce qui marqua son intégration complète àNation of Islam.
Assez rapidement, il changea son nom de famille pour « X ». Malcolm expliqua que ce nom représentait le rejet de son « nom d’esclave » en l’absence de son véritable nom d’origine africaine. Dans l’Amérique esclavagiste d’avant 1863, le maître imposait à ses esclaves de prendre son nom afin de les « marquer » comme ses choses, d'où le rejet. Le « X » représente également à la fois la marque appliquée sur le bras de certains esclaves et l’inconnue mathématique, qui symbolise l'inconnue du nom d'origine. Cette vision conduisit de nombreux membres de Nation of Islam à changer leur nom pour « X », comme sa future épouse, Betty X, ou à prendre des noms musulmans, supposés plus authentiques.
Le 17 février 1953, le FBI ouvrit un dossier sur la base de la lettre dans laquelle il se disait communiste (cf. supra) en 1950, soit en pleine période
de Red Scare ou de Reds under the bed (peur du communisme marquant l’Amérique des années 1950, et résumée par les passions du maccarthysme et du
procès des époux Rosenberg).
Selon le Church Committee, le FBI était habitué à surveiller, bloquer et réprimer des radicaux comme Malcolm. Sont incluses dans son dossier les deux lettres dans lesquelles
Malcolm utilise le pseudonyme "Malachi Shabazz". Dans Message to the Blackman in America, Elijah Muhammad explique que le nom « Shabazz » était celui des
descendants d’une « nation noire asiatique ». Le soupçon de communisme s'étant révélé sans fondement, Malcolm X ne fut ensuite plus surveillé que pour son appartenance à un
culte nationaliste noir.
En mai 1953, le FBI conclut que Malcolm X avait une « personnalité associale avec des tendances paranoïaques (paranoïa schizophrénique prépsychotique) » et qu’il avait en réalité cherché à traiter son désordre mental. Cela fut soutenu plus précisément par la lettre interceptée par le FBI, datée du 29 juin 1950 (cf. supra). suite de l'article sur la page suivante...